De la provocation ! C’est ce que nous pourrions penser à première vue, sans oublier que l’évangéliste Luc s’adresse plutôt à des chrétiens d’origine païenne qui s’identifient plus facilement aux samaritains qu’aux juifs. En fait, si nous observons bien, les 9 lépreux guéris n’ont fait qu’obéir à Jésus en se rendant au Temple pour faire reconnaître leur guérison par les prêtres et rendre grâce à Dieu. C’était la coutume et ce que Jésus leur avait prescrit, avant même qu’ils soient guéris en chemin. Pourquoi alors mettre en avant le Samaritain qui ne peut se rendre au Temple du fait de son statut ? Pourquoi donc ? Si ce n’est parce qu’il est le seul à se prosterner devant Jésus et à reconnaître implicitement que Dieu agit en lui. Jésus ne s’y trompe pas qui lui dit : « Relève-toi et va. Ta foi t’a sauvé ! » (Lc17,19) Cet homme vit un véritable relèvement, une résurrection. Il est désormais purifié de la lèpre. C’est un homme debout qui peut repartir dans la vie. Ecoutons bien : « Ta foi t’a sauvé ! » Nous sommes habitués à la formule qui revient à plusieurs reprises dans l’évangile et prêtons attention : Jésus ne s’attribue pas la guérison. Il souligne que la guérison est liée à la foi. Elle s’inscrit dans la relation de confiance de cet homme en Dieu et en Jésus. Or, cet homme, le seul à rendre grâce en se prosternant aux pieds de Jésus est un étranger !
Il en était de même pour Naaman, le général syrien, guéri après s’être plongé 7 fois dans les eaux du Jourdain, sur les conseils du prophète Elisée. Naaman s’était laissé convaincre malgré ses réticences initiales. Qu’avait-elle de plus cette eau du Jourdain que les eaux des autres rivières où il s’était baigné ? Rien sinon d’être l’eau du fleuve que le peuple élu a traversé avant d’entrer dans la terre promise. Rien sinon de préfigurer l’eau du baptême qui guérit du péché et nous fait passer de l’esclavage à la liberté des fils de Dieu. Et voici que Naaman le syrien ne conçoit plus de se prosterner devant Dieu si ce n’est sur un peu de terre d’Israël qu’il ramena chez lui à dos de mulet (2R5,17).
Frères et sœurs, accueillons ces belles histoires et les leçons du passé. Tournons-nous vers Dieu et interrogeons-le en pensant à notre situation actuelle, à celle de notre pays, de notre Eglise, de notre paroisse. Laissons-nous surprendre par ceux qui ont choisi de vivre chez nous pour diverses raisons. Découvrons toutes les richesses de leurs cultures, de leurs traditions, de leurs croyances. Et inversement, si nous sommes venus d’ailleurs, mettons-nous à l’écoute de ceux dont la famille a fait souche chez nous depuis longtemps. Contemplons Dieu qui aime tous les hommes et les invitent tous à sa table. Tournons vers Jésus venu d’abord pour les brebis perdues d’Israël et qui s’est laissé surprendre par la foi des païens. Mesurons que ce qui nous définit, ce n’est pas d’abord la langue ou la couleur de la peau, ni même la carte d’identité ou le passeport. Ce qui nous définit comme croyant, c’est le baptême qui nous fait passer avec Jésus de la mort à la vie. C’est le baptême qui nous purifie de toutes nos lèpres. C’est le baptême qui fait de nous des fils et des filles de Dieu, des frères et des sœurs de Jésus. C’est avec lui et en lui que nous pouvons rendre grâce à Dieu, faire eucharistie en célébrant l’offrande de sa vie sur la croix en confessant notre foi comme l’apôtre Paul. « On n’enchaîne pas la Parole de Dieu » (2Tm2, 9) Car cette Parole est puissante qui agit, transforme et féconde « ceux que Dieu a choisis » (2Tm2,10) pour que l’humanité soit belle et conforme au dessein de Dieu. Amen !
Père Bruno CAZIN, curé des Paroisses Saint-Martin et Saint-Charles-de-Foucauld, doyen de Roubaix.